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samedi 23 février 2013

Retour sur la Révolution Tunisienne.


Le 14 janvier 2011, les Tunisiens marquaient le premier assaut décisif de leur révolution. En dégageant Ben Ali, ils ouvraient la porte au Politique et s’obligeaient ainsi à le placer au premier rang de leur vie, à le mettre à l’ordre du jour de toutes les conversations et actions, à se définir à travers lui.

La révolution en Tunisie a été une incroyable (et presqu’inespérée) source d’espoirs et d’optimisme et cela non seulement dans les milieux populaires tunisiens ni dans la jeunesse branchée tunisoise. Cette révolution a touché beaucoup plus loin que notre voisin méditerranéen démontrant aux sociétés civiles dans le monde entier, des sociétés anesthésiées, assoupies et démotivées, que tout pouvoir politique est remplaçable si le Peuple le veut. 

Après la révolution vient le temps de l’organisation et des élections. Or le peuple des élections n’est pas le peuple des révolutions…. On l’a déjà vu en France, la révolution ouvrière qui en 1848 proclama la Seconde République et la formation d’une assemblée constituante fut suivie par la montée en puissance du Parti de l’Ordre et la consécration ultime de Louis-Napoléon Bonaparte rassemblant aux présidentielles 75% des voix. Le malaise tunisien dès le début de l’organisation du Politique, des élections et de la constituante est un nouvel exemple de cette constatation. La Tunisie d’aujourd’hui, celle qui a porté Ennahda au pouvoir et celle qui a chassé Ben Ali, ne font pas un. Et ces dernières semaines, dans un soubresaut douloureux qu’on aurait voulu être un bond en avant, le peuple de la révolution s’est réintroduit de force sur la scène politique qu’il avait conquise de ses mains et de laquelle il avait été soigneusement écarté depuis un an. 


Ce qui est captivant dans la Tunisie depuis 2011, c’est l’énergie mobilisatrice et le dynamisme de tout un pays pour se construire. Au-delà des clichés véhiculés par les médias français obnubilés par la peur de l’islamisme, ce qui est essentiel en Tunisie n’est pas le désordre inhérent à tout changement d’ordre mais le bouillonnement social et populaire d’un peuple qui croit en la politique. Ce bouillonnement étonne et il fait peur. Il étonne car, alors même que nos voisins luttent pour une démocratie à eux, en France les taux d’abstention atteignent des niveaux atterrants, la lassitude envers la démocratie et envers la classe politique conduit à la montée des fascistes et l’Europe libérale engendre plus de dégâts sociaux et politiques qu’elle ne résout quoi que ce soit. Mais ce bouillonnement fait aussi peur. Il fait peur car il rappelle le pouvoir de la rue. 


Il a quelques semaines, lorsque le peuple de la révolution tunisienne est ressorti dans la rue, suite à l’assassinat du camarade Chokri Belaid, l’avertissement à la nouvelle classe politique tunisienne, incarnée par la Troïka gouvernementale, était clair : nous sommes le Peuple, votre pouvoir est le nôtre, nous le savons, tâchez vous de vous en souvenir. La révolution tunisienne n’est pas finie, elle est encore en construction et le peuple le sait. Il reste vigilant, il suit l’assemblée constituante, il ne baisse pas les bras pour se reposer dans le giron du conformisme politique. A nous, en tant que citoyens, en tant que voisins et en tant que frères et sœurs de combat, de tâcher d’épauler ce peuple courageux dans sa lutte juste et légitime.


Ironie du sort, le 14 janvier 2011, alors que le peuple tunisien chassait le dictateur qui régnait impunément depuis 22 ans sur son pays, chez moi je lisais Saramago. Dans son Ensaio sobre a lucidez – la Lucidité – Jose Saramago nous entraine dans les coins sombres d’une démocratie tout à fait moderne, une démocratie à l’image des démocraties européennes. Imaginez la France en 2017, des élections quelconques et soudain une cohue incompréhensible de votes blancs. C’est la panique, plus rien ne peut marcher dans le cadre usuel et on se demande ce qu’il se passe. Est-ce de l’indignation ? Une révolte populaire ? Un complot politique ? On lit alors tout un système démocratique qui s’effondre dans l’incompréhension des urnes et de l’expression populaire, toutes les valeurs, croyances et doctrines d’une classe politique qui ne sont que du vent.


La grande question qui trotte inlassablement le long de cet Essai , la question qui me démange quand je lis les nouvelles sur la Tunisie, est finalement la même : Mais que pourront faire les dominants, les oligarques qui se baladent sans honte ni scrupule de banque en banque, de gouvernement en gouvernement, en Europe et ailleurs, décidant de tout sans jamais écouter, veillant à leurs intérêts et couvrant leurs intentions sous des discours bienveillants, mais que pourront-ils faire le jour où le peuple ne voudra plus suivre le jeu ?


Jul.

2 commentaires:

  1. Même si la "révolution tunisienne" a du plomb dans l'aile il faut soutenir celles et ceux qui se battent pour défendre les valeurs auxquelles nous croyons: pluralité de l'info, droit d'expression, droits des femmes, laïcité ... Expliquez la 2ème photo pour ceux qui ne comprennent pas l'anglais et l'allusion. Bravo continuez
    Patrice

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  2. La 2e photo est un hommage a Chokri Belaid qui a été repris par de nombreux internautes et meme par dans les rues et manifestations suite a son assassinat. Il s'agit de son emblématique moustache bien fournie et de son grain de beauté symbolisant le personnage derrière l'homme. Puis une phrase très simple mais efficace en Anglais : "Belaid is not dead", soit "Belaid n'est pas mort". C'est a dire que son esprit, sa lutte et son courage sont encore vivants.
    Et pour info l'auteur de cet hommage artiste est l'artiste tunisien Wassim Ghozlani (http://www.facebook.com/Belaidisnotdead)

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